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Mémoire sur
THE ROYAL SOVEREIGN
Le Souverain, Royal Souverain, Souverain Royal ou Souverain des mers,
construit par Peter Pett sous la direction de son père Phinéas Pett a été lancé à Woolwich en 1637.

par Arthur MOLLE

 

En préambule à ce qui suit, il faut savoir que le Royal Sovereign est un vaisseau 3 mâts et non 4 mâts comme indiqué dans le Neptunia n° 238 lequel n’a pas été corrigé.

 

La première partie de ce qui suit a été traduit de l’anglais par un ami et tiré du livre :
Modèles Officiels de Bateaux aux 17e et 18e siècles

«The World of Model Ships and Boots »
 
Edité par “Rainbird Reference books limited. Marble Arch House 44
Edgware Road London W2
Par Guy R. Williams

 Chatham tiré du journal de Samuel PEPYS
 
Imprimé aux Editions Robert Laffont

L’Evolution des Navires de Guerre anglais de 1550-1650
John Vincent Armstrong

Quelques lignes sont tirées du livre Bateau de Björn Landström.

Le Royal Sovereign de 1637.
Par M Anderson
"publié dans le Mariner’s Mirror"  

Le Sovereign of the Seas 1637
Par Henry Culver

 
"publié dans le Mariner’s Mirror"

 

Du «Prince Royal » au «Royal Sovereign »  

Les modèles d’époque, construits pour des buts officiels, nous donnent, où ils existent encore, un souvenir continu et authentique du développement de l’architecture navale. Les premiers modèles de ce genre sont connus pour avoir été construits au plus tôt au 17ème siècle. Presque certainement ils proviennent de l’industrie du grand constructeur Phineas Pett (1570 -1647).

Pett appartenait à une famille engagée dans la construction de bateaux depuis plusieurs générations. Il avait reçu une instruction supérieure à celle qu’on pouvait attendre d’un tel milieu. Ainsi il entra au Collège Emmanuel Cambridge en 1586 et fut gradué «masters of Arts » (bachelier note du tr.). Il avait aussi une expérience technique qui était exceptionnellement en avance sur son temps et également une certaine expérience de la mer. Dans son autobiographie se trouvant en ce moment au British Museum, il note qu’il commença un petit modèle en décembre 1599, le gréa et le présenta à John Trevor. C’est certainement la date la plus ancienne connue d’un modèle de bateau.

En mars 1601, Pett fut nommé assistant du maître constructeur au Dockyard de Chatham. Il attira l’attention sur lui deux ans après, pour ses services éminents en armant la flotte en six semaines seulement, et peu après l’ascension de Jacques 1er aux trônes d’Angleterre et d’Ecosse il fut chargé par Lord Howard, lord Amiral, de construire un petit bateau, ressemblant à l’Ark Royal, pour le fils aîné du roi, le prince Henry. Le bateau fut terminé en mars 1604, et le prince monta à bord le 22. Le lord Amiral présenta Pett au prince. Dans les jours suivants, il fut nommé Capitaine du petit bateau et attaché au service du prince.

En 1607, Phineas Pett écrivit dans son journal : j’ai commencé un modèle curieux dont j’ai fabriqué la plus grande partie de mes propres mains. Il est joliment garni de tableaux et de sculptures. Je l’ai présenté ce dixième jour de novembre au lord Howard, grand amiral. Quant au curieux modèle, il s’agissait d’un nouveau type de vaisseau de guerre. Par sa conception, il se rapprochait des plus récents navires élisabéthains : d’une construction basse, c’était un quatre-mâts à voiles carrées, avec de longues rangées de canons tirant à travers des sabords. En fait, ce navire était presque une fois et demie plus grand que les autres, il avait un déplacement de 1.200 tonnes. Il portait 64 canons lourds soit 50 % de plus que les précédents et un équipage augmenté de 500 hommes. Le lord Grand Amiral, qui avait commandé dix-neuf ans auparavant la flotte de la reine Elisabeth contre l’Invincible Armada s’intéressa vivement au projet et il présenta rapidement le modèle à Jacques 1er qui, selon Pett, fut littéralement enthousiasmé et lui ordonna de construire le vaisseau dans les chantiers navals royaux de Woolwich, sur la Tamise. Cette commande constituait, pour Phineas Pett, une formidable opération et elle souleva chez ses rivaux une vague de protestations qui n’étaient pas totalement injustifiées. En effet, bien que Pett fût issu d’une famille de maîtres charpentiers, à trente-sept ans, il n’avait construit que deux petits bateaux, le premier la maquette de l’Ark Royal, et le second un navire marchand, sa réalisation reposait sur une spéculation et Pett fut accusé par la Commission Royale d’avoir dérobé du bois de construction dans les chantiers du roi. Ce genre de malversation était courant à l’époque et le délit ne put jamais être prouvé, mais cette accusation tenait Pett à l’écart de ses collègues.

Aucun des rivaux de Pett ne le croyait capable de construire un bateau. Tous étaient persuadés qu’il comptait sur son projet grandiose pour attirer les faveurs royales et bénéficier ainsi de commandes lucratives. Dès le commencement des travaux, ses adversaires l’espionnèrent et, à mesure qu’il progressait, ils faisaient parvenir au roi des rapports discréditant son travail. « D’abord, le modèle est vraiment imparfait » écrivirent sept d’entre eux dans un rapport officiel. « Il y a trop de plancher, trop de madriers fixés transversalement par rapport à la quille et il est trop profond, ce qui augmente dangereusement le tirant d’eau et le rend impropre à la navigation dans les eaux peu profondes ». Ergotant sur les décorations somptueuses du navire, qui devaient comporter une série de têtes de lion «rugissant » installées sur les mantelets des sabords. Ces hommes accusèrent Pett de construire un joujou plutôt qu’un véritable navire de guerre, pire encore, ils affirmèrent que le travail accompli jusqu’alors «avait été mal exécuté ». Le bois de construction apparaissait «irrégulier et trop vert » La charpente semblait «bonne pour un bateau transportant du fumier » et le coût du navire (20.000 Livres), «suffisant pour construire 6 vaisseaux plus petits » était d’après eux «quatre fois trop élevé ». Tout ce remue-ménage décida le roi à se rendre à Woolwich et à ordonner une enquête. Le spectacle qui eut lieu aux chantiers navals ce matin de mai 1609 valait le déplacement ; des milliers de curieux étaient venus y assister. La grande quille d’une longueur de 36 mètres, se trouvait sur la cale dans le chantier de construction. La proue, la poupe et une partie de la charpente avaient été montées et la partie inférieure du revêtement mise en place. On avait tendu des draperies au réfectoire des ouvriers pour la visite royale. Tandis que l’on attendait le roi, les adversaires de Pett, selon sa propre expression, «furetaient un peu partout, déversant leur venin et dénigrant tout ce qu’ils voyaient ». Ils lui prédirent même qu’il serait pendu. Au cours de l’enquête, on ne convoqua pas moins de cinquante témoins. Pett passa la journée dans la position inconfortable de l’accusé qui doit rester à genoux devant le roi. Jacques 1er écouta avec attention les diverses plaintes et, bien sûr, la défense de Pett qui se contenta d’invoquer la jalousie et la malveillance pour expliquer les attaques dont il était l’objet. Le roi visita la partie déjà construite du navire afin de se rendre compte par lui-même. Finalement, à la surprise générale, Jacques 1er pencha en faveur de Pett. Dans son jugement à la Salomon, il lui adressa deux critiques très sévères, mais Pett fut autorisé à terminer l’ouvrage. Le navire, baptisé « Prince Royal » fut lancé en 1610 et, en dépit de tout ce que l’on avait dit sur lui, il combla les espérances de son constructeur.

Le «Prince Royal » était un très beau bateau avec un avant et un arrière admirable Pett était un innovateur, créait de nouvelles formes qui choquaient les vieux constructeurs orthodoxes du moment et il fut surnommé «le père des futurs marins ».

Avec ses dorures et ses sculptures abondantes, dont les comptes existent encore, on peut le considérer comme le bateau le plus décoré vu à cette date. Malheureusement, le modèle du « Prince Royal » que Pett fit de ses propres mains a depuis longtemps disparu, mais il semble probable que sa vue enchanta le second fils du roi, le prince Charles qui était alors âgé de 4 ans.

Peu après, on dit que Pett fit un modèle «jouet » pour l’enfant ; un bateau monté sur un chariot.

Nous savons que nos jeux d’enfant ont une influence sur nous et on est tenté de croire que ce modèle particulier a eu un profond effet psychologique sur une nature impressionnable. Le 26 juin 1634, Charles qui, Henry étant mort, succéda à Jacques 1er sur le trône d’Angleterre, vint au chantier naval de Woolwich, près de Londres pour voir le bateau «Léopard » qui était en construction sous la supervision de Pett. Avant de partir, plus tard le même jour, le roi donna ordre à Pett de construire le plus grand bateau qui ait jamais été vu sur toutes les mers. Les psychologues modernes font jouer la loi de la compensation et suggèrent que c'est pour grandir sa dignité (physiquement il était anormalement petit) et accroître son autorité personnelle qu’il commanda cette extravagance. Ironiquement, la taxe nommée «chips money » qu’il leva pour payer cette extravagance fut la cause principale de sa décapitation.

Le Sovereign of the Seas, tout comme le Prince Royal, fut en butte au cours de sa construction à toute une série de critiques. Cette fois, elles ne furent pas émises par des constructeurs jaloux, mais par la très respectée Confrérie des Doyens de Trinity House. Cette institution, qui existe encore de nos jours, était responsable des phares, balises et autres bouées sur toutes les côtes de l’Angleterre. Comité exécutif composé d’éminents marins, navigateurs, elle entendait bien faire valoir son point de vue sur toute question concernant la marine. En voyant la maquette du Sovereign of the Seas, longue de 6 mètres, ces notables s’alarmèrent et écrivirent au secrétaire particulier du roi, affirmèrent solennellement : « ni le génie ni le savoir-faire humain ne peuvent permettre la construction d’un navire de guerre qui comporterait 3 batteries de canons » (Sur ce point, la confrérie se trompait); avec le pont supérieur le Sovereign of the Seas ne comportait pas 3, mais 4 batteries). «Quelles ancres pourraient retenir un si gros bâtiment lorsqu’il mouillerait dans une rade ouverte?) A cette question, la confrérie répondait que si les ancres et les câbles devaient avoir de telles dimensions qu’ils ne pourraient en aucun cas être manœuvrés par des hommes. Et si, par extraordinaire ils y parviennent, nous doutons qu’il puisse exister des ancres et des câbles capables de maintenir un navire d’une telle masse en cas de tempête ». En dépit de toutes les oppositions, le roi s’obstina dans ses plans, il voulut à tout prix son géant, qui devint encore plus grand que Trinity House ne l’avait prévu. Le Sovereign of the Seat coûta la somme astronomique de 65.586 £ 16 shillings et 9 ½ pences, soit plus de trois fois le prix du «Prince Royal » qui en son temps, s’était attiré les foudres des constructeurs de navire du roi Jacques 1er en raison de son prix. Une fois encore, les Pett avaient franchi un nouveau pas dans le gigantisme. Le Sovereign of the Seas déplaçait 1.522 tonnes et mesurait 70 mètres de long. Les quantités de chêne nécessaire à sa construction étaient trop importantes pour que les forêts voisines du Kent et du Sussex puissent y suffire. On dut acheminer par bateau du bois du Northumberland, situé à 650 kilomètres de là. Une fois achevé, le bâtiment comportait 100 canons de bronze, soit deux tiers de plus que le «Prince Royal »  vingt de ces pièces tiraient des boulets de 60 livres, 8 de 36 livres, et 30 couleuvrines en propulsaient de 18 livres et 42 couleuvrines courtes de 9 livres. Une telle artillerie pouvait expédier plus d’une tonne de métal en une seule bordée meurtrière au milieu d’un vacarme infernal. Pour manœuvrer ce géant au combat, il ne fallait pas moins de 800 hommes (Pepys mentionne dans son journal 1000 hommes) ce qui me semble énorme. Aussi bien en ce qui concerne ses dimensions que ses plans, le Sovereign représente un progrès si considérable sur tous ses prédécesseurs qu’il fut surnommé la 8ème merveille du monde.

 

 


G. Delacroix 1999-2006