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PROPORTIONS DES POULIES
D'après un manuscrit anonyme du début du XVIII° siècle

 

Le texte qui suit est extrait d'un manuscrit anonyme de la fin du XVIIème siècle ou du tout debut du XVIIIème. Intitulé " Traité des manoeuvres et de l'agréés d'un vaisseau", ce volumineux ouvrage traite successivement de l'installation des manoeuvres, de leurs proportions, d'observations touchant les voiles, des ancres et des câbles. Viennent ensuite la mâture et sa garniture, l'entretien du bâtiment, l'arrimage, les vivres, les futailles, etc.
Référencé sous la cote B.N. 11314, cette source exceptionnelle d'information ne comporte malheureusement pas d'illustrations. Cet extrait sur la proportion des poulies est reproduit ici avec son orthographe d'origine :

... Comme le nombre et la place des poulies se trouvent au passage des manœuvres qui est expliqué cy-devant, nous en donnerons les proportions au moyen des règles suivantes :
1°, si on prend le 1/3 de la grosseur du cordage auquel la poulie est destinée, on aura l'épaisseur du roüet.
2°, si on multiplie la grosseur du cordage par 2 on aura le diametre du roüet.
3°, si on prend le 1/12 de l'épaisseur du roüet, on aura sa cannelure.
4°, si au diametre du roüet on ajoute 2 fois ½ son épaisseur, on aura la longueur de la mortoise dans laquelle le roüet doit etre.
5°, si on prend 2 lignes plus que l'épaisseur du roüet, on aura la largeur de la mortoise.
6°, si à la longueur de la mortoise on ajoute à chaque bout une épaisseur du roüet, ce qui viendra sera la longueur du mouffle.
7°, si au diametre du roüet on ajoute 2 fois ½ l'épaisseur du roüet, on aura la largeur du mouffle.
8°, si on prend 3 fois l'épaisseur du roüet et 2 lignes plus, on aura l'épaisseur du mouffle qui n'a qu'une mortoise.
9°, l'épaisseur de la tête du mouffle est égalle à l'épaisseur du roüet.
10°, le cul du mouffle aura la même épaisseur que celle de la tête.
11°, l'épaisseur des joues du mouffle est égalle à l'épaisseur du roüet.
12°, la grandeur des gougeures doit etre à proportion du cordage avec lequel on les estrope, c'est à dire du 1/3 de la grosseur de ce cordage, la profondeur ne doit avoir que le ¼ de l'épaisseur du roüet.
13°, si on prend l'épaisseur du roüet, on aura le diametre que la cheville doit avoir.
14°, si on prend 3 fois l'épaisseur du roüet et 2 lignes plus, on aura la longueur de la cheville qui n'ont qu'une mortoise, autrement la plus grande épaisseur du mouffle en toutes les poullies est la longueur de la cheville.
15°, la place du trou de la cheville, on passe la cheville où l'axe ne doit pas être tout à fait au millieu du mouffle, il faut qu'il soit un peu plus bas affin que le jour qui se trouve entre le roüet et le haut de la mortaise par où passe le cordage doit etre un peu plus grand que celluy du bas ce qui se fait affin qu'on puisse passer commodement le cordage dans la poulie sans aucun empêchement. Pour cette raison le jour d'en haut entre le roüet et la tête de la mortoise aura une épaisseur et demye du roüet et le jour d'en bas n'en aura qu'une seulement ce qui suffira pour la liberté du roüet par en bas quand même le trou viendroit un peu à s'agrandir, il ne touchera pas au bas de la mortoise ce qui l'empêcheroit de tourner.
16°, on décharne un peu par le bord des joues du mouffle pour les rendre plus propres et plus légères, à commencer par le trou de la cheville allant tout autour vers l'extrémité en arrondissant jusqu'au bord observant de ne rien diminuer de ce qui est autour du trou où l'on met quelque fois une plaque de fer pour le fortifier. 

Poulies doubles sont celles qui ont deux roüets à coté l'un de l'autre pour lesquelles il faut suivre les mêmes proportions que nous avons dit des poullies simples observant seulement que l'entredeux des mortoises ne doit avoir que les 2/3 de l'épaisseur du roüet et quà celles cy l'épaisseur entière du mouffle est de 4 épaisseur 2/3 du roüet et 4 lignes de plus ce qui determine la longueur de la cheville ou de l'axe.
Poulies doubles de palan pour les canons ont 2 roüets à coté l'un de l'autre dont les proportions se trouvent par rapport au cordage ainsy qu'il est dit cy dessus.
Poulies doubles de palan sont celles qui n'ayant qu'un même mouffle ont deux roüet l'un sur l'autre dont le plus petit ne doit avoir que les 2/3 du diametre du grand ou bien le grand une fois et demye le diamètre du petit observant les proportions ainsy qu'il en est dit, les 7/12 du mouffle sont pour le grand roüet et les 5/12 sont pour le petit, l'épaisseur est égalle dans touts les deux. 

Poulies de drisse sont celles qui ont 3 roüets à coté l'un de l'autre pour lesquels il faut suivre les proportions ainsi qu'il est dit observant que l'entredeux des mortoises doit avoir les 2/3 de l'épaisseur du roüet et que l'épaisseur de la tête du mouffle, celle de leur cul et celle des joues doit être d'une fois et demye l'épaisseur du roüet. Plus les fardeaux sont pesant, plus les mouffles qui les soutiennent doivent être forts et plus il y a de rouet, plus le mouvement est lent, et plus le mouvement est lent moins il faut de force animée pour élever le fardeau, mais les mouffles en supportent le poids et particulièrement l'estrope de celle qui est immobille.
L'épaisseur des mouffles à 3 roüets sera de 7 épaisseurs 1/3 du roüet et 6 lignes plus pour leur liberté dans les mortoises ce qui determine la longueur de l'axe dont la grosseur doit etre égalle à celle du cordage ou bien son diametre égal à l'épaisseur du roüet ce qui est la même chose.
Il y a aussi des poulies de drisse à 2 roüets qu'on fait à proportion du cordage ainsy qu'il est dit cy dessus.
Les plus grands roüets sont les meilleurs parce que leur circonference a plus de vitesse sur le frottement de leur axe et qu'ils font moins de tours.
On peut diminuer à l'infini la resistance d'un poids en multipliant les tours de cordages ou en multipliant les poullies.

Poulies de caillornes à 4 roüets. On observe les mêmes proportions que nous avons dit avec cette circonstance que la tête du mouffle doit avoir en hauteur le diametre du roüet à cause d'un trou qu'on y fait par où on passe l'itague ou autre cordage.
Il serait bon qu'on mit à l'entour du mouffle un bon lien de fer et et qu'à l'endroit du trou de l'axe le lien fut élargi autant qu'il faut afin que l'axe passât au travers de ce lien. On trouvera que la largeur de ce mouffle sera de 9 épaisseur du roüet et 8 lignes de plus pour la liberté des roüets et l'axe aura par conséquent 9 épaisseur du roüet et 8 lignes de plus.
Il y a aussi des poulies de cailiorne à 3 roüets dont les proportions doivent être selon le cordage ainsy qu'il a été montré.
Les roüets des poullies de caliorne sont à coté l'un de l'autre.
Remarque : il y a des cordages qu'on est obligé de fourrer avec du bitord ou de la toile pour empêcher qu'ils ne s'usent ; pour cette raison la poulie doit être faitte sur les proportions de ce cordage c'est à dire sur sa grosseur étant fourré affin que le cordage puisse passer librement dans la poullie entre le mouffle et le roüet.

Poulies de bouts de vergue.
Les poulies de bout de vergue sont celles qui dans un même mouffle ont deux roüets l'un sur l'autre posés differament l'un d'un sens et l'autre de l'autre ; le grand sert pour les écouttes de hune et le petit pour les balancinnes ce qui fait que les mouffles sont gros par le bout allant en diminuant vers l'autre. On observe les mêmes proportions à ces fortes poulies comme aux autres ainsi qu'il a été cy devant montré selon les cordages pour lesquels elles doivent servir. 

Poulies pour pendeurs de balancinnes, il y en a de simple et de doubles,
les simples sont pour les petits vaisseaux et n'ont qu'un roüet, le mouffle doit avoir à la tête et au cul une épaisseur en bois égale au diametre du roüet à cause du trou qu'on fait à chaque bout, l'un pour la tenir au mast avec un cordage, l'autre pour y arreter la balancinne qui de là va à la poulie du bout de vergue et vient passer dans le roüet de celle du pendeur et va le long des aubans sur le pont.
Les poulies doubles pour pendeurs de ballancinnes sont pour les gros vaisseaux, elles ont un roüet l'un sur l'autre comme celles des pallans pour lesquelles il faut suivre les proportions de la balancinne qui leur est destinée. 

Poulies de capon.
Les poulies de capon sont à deux roüets et proportionnées au cordage ainsy qu'il a été montré. Elles ont un lien de fer qui sert d'estrope avec un gros crochet aussy de fer tourné du coté des mortoises avec lequel on accroche l'organneau de l'ancre lorsqu'il est à fleur d'eau pour pouvoir le hausser jusqu'au bossoir, y passer la bosse de bout, ensuite le traverser le long du bord. 

Poulies pour francsfunin.
Ces poulies sont à 3 roüets et à 2. Elles servent à la carenne des vaisseaux pour les mettre à la bande. Le cordage règle leurs proportions comme cy devant. 

Poulies couppées pour boulinnes.
Elles n'ont qu'un roüet fait à proportion de la grosseur du cordage observant que l'épaisseur de la tête du mouffle doit etre égale au diametre du roüet à cause d'un trou qu'on y fait qui sert à y passer un cordage pour la saisir dans l'endroit qui convient. Il faut encore que le jour depuis le haut de roüet jusqu'au haut de la mortoise soit deux fois plus grand qu'aux autres poulies à cause de la couppure qu'on fait à l'une des joues du mouffle vis à vis le haut de la mortoise affin que le cordage puisse passer pour aller sur le roüet ce qui a sa commodité pour passer promptement la manœuvre qu'on désire dans cette poulie. 

Proportions des caps de mouton
Ils doivent avoir en diametre le double de la grosseur du cordage pour lesquels ils doivent servir ; leur épaisseur doit avoir la moitié de leur diametre, ils ont chacun 3 trous dans lequels on passe un cordage qui sert à rider les haubans. Les caps de mouton qui tiennent aux chaines d'aubans sont ferrés ayant un lien de fer tout autour et ceux qui tiennent aux aubans n'ont qu'une gougeure de la largeur du diametre de l'hauban, laquelle ne doit avoir de profondeur que le ¼ de ce diametre affin que l'hauban n'enfonce pas davantage dans cette gougeure. 

Moques
Elles sont comme les caps de mouton mais elles n'ont qu'un trou au millieu par lequel on passe plusieurs fois un même cordage et sont garnies tout autour d'un bon lien de fer qui sert d'estrope.

Bigots
Sont des listeaux de bois qui sont autour du racage dont les plus longs à 4 trous ne font que environ 4 pieds, ceux à 3 trois de 3 pieds ½ et ceux à 2 trous depuis 10 jusqu'à 22 pouces de long. Le coté du bigot qui joint le mast est uny et l'autre coté du bigot qui est en dehors est façonné en guise de feston. Le prix de chacun est depuis 2 sols jusqu'à 18 selon leur longueur. 

Pommes de racage
Elles n'ont qu'un trou qui passe de part en part au travers duquel on fait passer un cordage qu'on appelle le bâtard de racage qui tient toutes les pommes, leur grosseur ou rondeur est depuis 3 pouces jusqu'à 24 pouces et le prix de chacune est depuis 1 jusqu'à 4 sols...

© G. Delacroix 2000