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Les diverses façons d'amarrer les canons

 

 

Il est dommage de voir certains modèles qui, soignés par ailleurs, ont le gréement de leurs canons grossièrement disposé dans des situations peu réalistes. Comme il n'est pas très difficile d'améliorer ces détails, voici quelques informations. Je rappelle que la "brague" est le gros cordage qui retient le canon au sabord et que le garant d'un palan est le cordage qui court dans les poulies. La plate-bande d'un canon est la partie ayant le plus gros diamètre vers l'arrière, le flasque est le côté de l'affût d'un canon.
"Amarrer un canon, c'est en général l'assujettir contre le bord au moyen de ses propres cordages qu'il soit au sabord ou dans le vaisseau". Suivant leurs emplacements, la météo ou les circonstances de la navigation, il y a plusieurs manières d'amarrer les canons.
Ici, comme souvent, en fonction de l'époque certaines variantes apparaissent. Cette description est valable pour la fin du XVIIIème siècle.

Amarrage à garant simple. (illustration)
Cet amarrage est utilisé dans les rades, à la mer par beau temps et, dans ces conditions, il est suffisant. Pour confectionner cet amarrage, on raidit simplement les palans des canons puis on fait un tour mort au collet du bouton de culasse, la partie libre du garant passe ensuite entre la plate-bande de culasse et le garant tendu de dessus en dessous. Le reste du garant est roulé et amarré le long du flasque ou sur le fût du canon.
Lorsque le temps est mauvais, les canons de la batterie haute et des gaillards sont amarrés à garant doublé et ceux des batteries basses sont à la serre.

Amarrage à garant doublé.(illustration)
Un peu plus compliqué que le précédent, cet amarrage se pratique de la façon suivante :
On déplace la poulie double du palan du croc du sabord à la cheville à boucle de la brague. On raidit le palan puis on fait deux tours entre le bouton de culasse et le croc. On effectue ensuite trois tours de bridure vers la culasse. Le garant fait alors le même amarrage de l'autre côté du canon.
Il fait alors croupière en passant entre une boucle chevillée sur le pont juste derrière l'affût et par-dessus la culasse en dedans des garants. On termine en faisant une bridure sur la croupière. L'autre palan s'amarre à l'ordinaire en passant par dessus celui qui est doublé afin de l'avoir à disposition si le temps s'aggrave.

Amarrage à la serre.(illustration)
Dans les batteries basses des vaisseaux, on tient ordinairement les canons amarrés. On ne les met hors de leurs sabords qu'au combat, à l'exercice ou bien au mouillage pour décorer le vaisseau. Les canons sont totalement immobilisés et contenus afin qu'à l'occasion de la navigation, les mouvements du roulis et du tangage ne leur procurent une liberté dévastatrice dans l'entrepont. Les canons sont donc amarrés d'une manière particulière appelée amarrage à la serre. Voici comment on procède pour établir cet amarrage.
On commence par baisser la culasse du canon vers la sole de l'affût de façon à ce que la bouche porte au-dessus du sabord contre la serre-bauquière du deuxième pont (ou du troisième sur un trois-ponts). Souvent d'ailleurs, la serre-bauquière présente un repos pour l'appui du canon mais on peut trouver aussi des coins de bois cloués et travaillés à l'angle d'appui. Sur les vieux vaisseaux, la tranche du canon est marquée dans le bois. On contient alors le canon dans cette position en passant plusieurs tours d'un cordage qui, faisant dormant sur le tube, exécute plusieurs tours entre le tube et une boucle triangulaire (mais quelque fois ronde) chevillée au-dessus de l'appui dans l'axe du sabord.
Par ailleurs, les deux côtés de la brague sont passés sous les museaux des essieux de l 'avant.
A l'arrière du canon, on engage une boucle de cordage appelée estrope de culasse autour du bouton en la dirigeant vers le haut. Le palan de recul est croché entre cette estrope et la boucle triangulaire au-dessus du sabord. On raidit le palan puis on fait plusieurs tours entre la boucle et le bouton jusqu'à ce que l'on soit au bout du cordage. On amarre ensuite le garant du palan en faisant, vers la culasse, une bridure fortement serrée sur le faisceau que forme ce garant.
On raidit alors les deux palans des côtés également, puis les restes des garants sont passés entre les crocs des côtés du sabord et le bouton de culasse en plusieurs tours. Ils sont ensuite amarrés comme le palan du dessus, avec une bridure près de la culasse.
Les trois palans étant bien raidis, on prend un très long cordage, l'aiguillette d'environ 40 m, que l'on amarre sur l'un des côtés de la brague. On bride alors par des tours droits et croisés les deux côtés de la brague en serrant bien à chaque tour de manière à rapprocher les deux branches de la brague le plus qu'il est possible. On fait trois tours en serpentant sur le faisceau ainsi formé pour amener le cordage du côté droit où on lui fait faire plusieurs tours entre la brague et les garants du palan de droite bien serrés de la même façon que précédemment. On effectue ensuite la même opération du côté gauche puis entre les garants des deux palans.
Ces quatre opérations étant terminées, l'aiguillette forme en avant de l'affût, une sorte de carré par ses nombreux tours. On la ramène alors vers le milieu du carré et on bride le côté d'en haut avec le côté d'en bas achevant ainsi le resserrement des tours de l'aiguillette. Le canon est alors parfaitement immobilisé. Des variantes mineures existent pour le parcours de l'aiguillette.
Par gros temps, on prend des précautions supplémentaires. On cloue sur le pont un chevron triangulaire juste contre les roues arrière de chaque affût pour éviter que le canon ne recule et force sur les cordages. D 'autre part, il y a entre chaque sabord, sur le pont, des boucles dans lesquelles on passe un grelin qui va de l'avant à l'arrière. Ce grelin est tenu très lâche pour que l'on puisse le passer sur les crocs des côtés des sabords en embrassant l'arrière des affûts au niveau de l'adent le plus bas des flasques. Le grelin est ensuite fortement raidi et agit comme une seconde brague.
Un autre moyen consiste à amarrer le grelin à la première cheville à boucle de la batterie d'un bout et à la dernière de l'autre bout de manière à ce que le grelin repose sur tous les boutons de culasse. On passe alors une aiguillette entre les boucles du pont entre chaque canons précedement citées et le grelin. En raidissant toutes les aiguillettes à la fois, on assujettie solidement les canons contre le bord.

Canons sur fausses bragues.
Cette méthode est décrite dans le "Manuel du canonnier-marin" mais je dois dire que cette description est assez confuse et difficilement compréhensible. Voici ce texte :
" L'on prépare un cordage proportionné au calibre de la pièce dont les deux bouts sont repliés et épissés sur eux-même. Le cordage ainsi doublé (?) on forme à chaque bout par deux amarrages un œillet assez grand pour recevoir la fusée de l'essieu (avant ou arrière ?), c'est ce que l'on nomme fausse-brague. Elles doivent être assez longues pour que, passant sur l'affût (par où ?), venant aiguilletter sur la boucle placée sur le pont (à l'arrière de l'affût) elles puissent éloigner le canon de 4 à 5 pouces du bord. Si on fait usage de cabrions, on les placera en avant des roues de l'avant pour concourir avec la fausse brague à soulager le bord du vaisseau qui par cette méthode ne supportera point le poids du canon."

Canons à bragues sèches.
Souvent citée dans les récits de combats mais rarement décrite cette méthode d'amarrage se fait aussi aux canons du pont supérieur et des gaillards pour faire les signaux sans démarrer le canon. Avec le bout d'un des garant des palans, on bride simplement le "mou" de la brague au collet du bouton.

Canons allongés contre le bord.(illustration)
Il y a des occasions où les canons sont placés en long contre la muraille. Par exemple quand les vaisseaux sont armés en transport (en flûte) ou sur les petits bâtiments qui, bas sur l'eau, ont leurs canons dans l'eau dès qu'ils sont à la bande par grand vent.
On place le canon le long du bord contre le sabord. On accroche les poulies simples des palans à des estropes qui embrassent les fusées des essieux et les poulies doubles aux chevilles à boucles des côtés du sabord servant pour les bragues en veillant à croiser les palans.
On passe plusieurs tours des garants entre les crocs du sabord et sous les fusées des essieux puis on finit par une bridure au ras de la fusée.

 © G. Delacroix 2000